dimanche 13 mai 2012

Les chefs d'établissement exposés dans le cadre des signalements judiciaires


Sans revenir sur le fond de cette affaire qui pose de nombreuses questions, il faut retenir et rappeler que les chefs d'établissement comme tout personnel de la communauté éducative ont obligation de signaler à la justice, le jour même, des actes délictueux qui se déroulent dans ou hors leur établissement et qu'ils ne doivent mener ni enquête ni entretiens pouvant être assimilés à des interrogatoires. Vous avez dit "exposés" !!

 

 

EN DIRECT DU TRIBUNAL

samedi 12.05.2012, 05:03La Voix du Nord
Berck : agressions sexuelles sur des handicapés


En 2006, l'Établissement régional d'enseignement adapté de Berck (EREA), où sont accueillis de jeunes handicapés, a été secoué par des révélations qui ont eu l'effet d'une bombe à retardement. Nous sommes le 2 juin. Le directeur de l'établissement, B.H., 59 ans, voit arriver dans le couloir une professeur d'anglais et l'une des pensionnaires qui faisaient grand tapage. Il leur demande de quoi il en retourne et elles leur signalent un événement gravissime. La jeune fille, âgée d'à peine 14 ans, a en effet été menacée de mort en cours par un élève de sexe masculin. Elle confie alors à l'enseignante qu'elle a été victime d'une agression sexuelle de la part de ce garçon et deux autres de ses camarades.
Les choses se sont passées dans les toilettes où deux d'entre eux lui ont infligé des attouchements pendant que le troisième faisait le guet. Il y aurait même eu un rapport complet et forcé. Selon le directeur, la professeur d'anglais s'exprime avec véhémence et pour calmer les esprits il reçoit la jeune pensionnaire et invite également la psychologue de l'EREA à l'entendre. Estimant ne pas avoir été crue par ses interlocuteurs, la jeune fille consulte un médecin qui fait un test de grossesse. Il s'avérera négatif. Fin du premier épisode : c'est la Pentecôte et les élèves sont renvoyés chez eux pour le week-end, la rentrée se faisant le mardi 6.
Nouvelles révélations C'est ce jour-là que la victime retourne voir la psychologue pour lui dire que cette agression n'était pas la première : selon elle, ces agissements durent depuis plusieurs mois et elle a été la proie des mêmes individus à six reprises dont une à la piscine. Autant d'affirmations que le directeur estime devoir vérifier. Pour lui, « nous sommes en présence d'un public particulier qui n'a pas le même sens des mots ». Le 8, en réunion à Calais, il charge donc T.B., 46 ans, éducateur principal responsable de l'internat, d'interroger l'un des principaux acteurs et de vérifier sa capacité à se lever de son fauteuil roulant. Ses investigations permettent de découvrir que le jeune homme et ses deux acolytes voulaient effectivement assouvir des envies sexuelles et qu'ils sont bien les auteurs des agressions. À la lumière de ces précisions B.H. décide donc de faire, dès son retour de réunion, ce que l'on appelle en justice un « signalement », puisque les faits concernent une mineure de moins de 15 ans.
Son courrier arrivera au Parquet le 9 juin. Beaucoup trop tard selon les magistrats, le Code pénal prévoyant selon eux une dénonciation immédiate. Les choses se corsent quand les enquêteurs vont découvrir que deux autres agressions ont été commises par les mêmes auteurs sur deux autres jeunes filles, incidents qui ont été consignés sur les cahiers de liaison mis en place au sein de l'établissement. Après en avoir pris connaissance, T.B. en avait fait part au directeur adjoint, M.D., sans que ce dernier ne réagisse. Curieux, mais bizarrement, ce monsieur qui est au courant de toute l'affaire depuis le début, n'a pas été poursuivi mais juste entendu en qualité de témoin. Un « comble » pour les avocats.
Mal informé ?
Pour sa part, B.H. rappelle à la barre qu'il n'avait pas tous les éléments : « Je n'étais pas au courant de tout. En revanche, plusieurs membres du personnel avaient été alertés mais ne m'ont pas informé, c'est quand même extraordinaire ». Et en plus, ils auraient pu faire le signalement à sa place, comme l'indiquera son avocat, Me Cattoir, puisque la loi « précise que la dénonciation ne doit pas obligatoirement être faite par le chef d'établissement. De surcroît, il n'y a aucune notion de délai dans les articles invoqués par le tribunal. B.H. n'a peut-être pas dénoncé assez vite, mais il l'a fait et on ne peut rien lui reprocher ».
Le défenseur de T.B., Me Jacquard, va de son côté abattre un atout-massue : « Non seulement il était en vacances au moment des faits puisqu'il n'est rentré que le 6 ou le 7 et était donc le dernier informé et on dit qu'il aurait dû se rapprocher des autorités judiciaires. Sauf que l'inspection académique est formelle : le Code de l'Éducation nationale précise qu'il devait transmettre à son supérieur hiérarchique et que c'est à lui d'alerter l'autorité judiciaire. C'est ce qu'il a fait ». Imparable. Le tribunal n'avait guère d'autre choix que de le relaxer alors que les réquisitions le concernant portaient sur une peine de douze mois avec sursis, 18 mois avec sursis pour le directeur. Le tribunal a revu cette demande à la baisse : B.H. a, lui, été condamné à huit mois avec sursis simplement parce qu'il est le représentant de l'État dans l'établissement et par là même responsable aux yeux de la loi. Il devra également payer 3500 E de dommages-intérêts à deux des victimes. Il pourra peut-être se consoler en se disant qu'il n'aura pas été le seul à payer : depuis les faits, les agresseurs ont été condamnés pénalement.
STÈVE FERNANDES

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